Rendez-vous avec Gregory Kissling, CEO de la maison Breguet

« Notre volonté ? Prolonger l’esprit visionnaire d’Abraham-Louis Breguet »
Référence absolue dans la création et l’histoire de la haute horlogerie, la maison fête ses 250 ans. L’occasion de rappeler les temps forts de cette saga unique mais aussi de penser demain assure Gregory Kissling, CEO de Breguet depuis 2024.
Vous êtes à la tête de Breguet depuis quelques mois. Quel regard portiez-vous sur la maison et quelles missions vous fixez-vous ?
Comme tous les passionnés, Breguet est pour moi une maison à part, le berceau de l’horlogerie moderne. Elle se confond avec l’histoire de cet art, qu’elle a profondément marquée en termes d’innovation. Breguet est avant tout une marque pionnière. Elle a toujours fait avancer la science de la microtechnique et cette capacité à l’invention constitue l’identité de la maison. Très tôt reconnue en dehors de nos frontières, elle est aujourd’hui une marque internationale avec 300 points de vente et une quarantaine de boutiques en nom propre, réseau que nous allons faire grandir. C’est évidemment à travers nos adresses que l’on témoigne au mieux de cet héritage ; à l’image de notre maison Place Vendôme où nous présentons nos collections mais aussi nos modèles historiques. Le but n’est pas de les copier, mais de perpétuer cet héritage d’innovation, ce que nous appelons en interne Legacy in motion.
La maison a été créée par Abraham-Louis Breguet en 1775, date à laquelle il ouvre son atelier sur l’ile de la Cité à Paris, quai de l’Horloge. On doit à cet horloger visionnaire de nombreuses inventions. Quelles sont les principales ?
On pense toujours au tourbillon et Abraham-Louis Breguet en est effectivement le créateur, comme en atteste un brevet déposé en 1801 qui assurera d’emblée sa notoriété. Mais cet horloger visionnaire est d’abord l’inventeur d’un style. On parle des chiffres Breguet, des aiguilles Breguet qui sont devenues autant de références dans l’univers de l’horlogerie. Il y a aussi le spiral Breguet, ce ressort qui entraîne l’organe réglant et améliore son isochronisme ; ou encore le ressort-timbre qui s’enroule autour du mouvement pour diminuer l’épaisseur des montres. Technicien génial, Breguet était aussi un esthète. Il a imaginé des pièces extrêmement raffinées où chaque composant trouve sa place. L’une de ses grandes inventions est aussi d’avoir introduit l’art du guillochage en horlogerie, qui assurait notamment une meilleure visibilité du cadran grâce à ses vertus antireflets.
Ces innovations étaient techniques mais également commerciales …
Breguet a aussi été précurseur en termes de business, notamment avec la montre de souscription payable en partie à la commande ; système dont il a eu l’idée lorsqu’il s’est réfugié en Suisse de 1793 à 1795 pour échapper à la Terreur. Mis en place à son retour à Paris, ce dispositif lui a permis de relancer sa société mais aussi de financer des projets de grande envergure, comme le tourbillon inventé en 1795 et commercialisé après plusieurs années de recherche. D’apparence simple, mono-aiguille mais extrêmement raffinée en termes de précision, la montre de souscription sera produite durant 30 ans et à quelque 700 exemplaires, ce qui est énorme pour l’époque.
La maison se met ensuite au service des personnalités les plus prestigieuses. A quoi tient ce succès, jamais démenti ?
Trois générations Breguet se sont ensuite succédées et la maison est peu à peu devenue le fournisseur des personnalités les plus en vue, en France et à l’étranger. Dès le XIXème siècle, des agents de la maison opéraient dans différentes parties du monde -en Europe, en Russie ou en Amérique- faisant découvrir les créations Breguet à un public rapidement conquis par cet équilibre entre esthétisme et savoir-faire d’excellence. Je pense notamment au modèle Marie Antoinette, resté la montre la plus compliquée durant plus d’un siècle et qui a demandé plusieurs années de recherches pour intégrer un exceptionnel degré de technicité.
La plupart des pièces étaient travaillées sur commande ?
En effet. Parmi les plus emblématiques, il faut la première montre bracelet, commandée en 1810 par Caroline de Murat environ un siècle avant l’ère de ces modèles. Celle-ci sera l’inspiration de la collection Reine de Naples et son iconique forme ovoïde, introduite en 2002. Par ailleurs, il ne faut pas oublier d’autres pièces, toutes aussi prestigieuses et destinées à l’usage scientifique. Les chronomètres de marine (Abraham-Louis Breguet a été nommé horloger de la Marine Royale 1815) ou les instruments liés à l’astronomie, qui ont participé à faire avancer la science.
Quels sont aujourd’hui les garde-temps les plus emblématiques ?
Nous avons la chance de posséder une grande richesse de produits. La collection Tradition qui s’inspire des montres de Souscription et dévoile en détail le mouvement, pour le plus grand bonheur des amateurs de mécanique horlogère. Autre ligne iconique, la Reine de Naples avec un tour d’heures légèrement décentré vers 6h. Tout aussi emblématique, la collection Type XX contemporaine, équipée de la fonction « retour en vol » et inspirée de l’aéronautique ou encore la ligne Marine, liée à la navigation.
La Maison Breguet est désormais propriété du Swatch Group depuis 99. Comment la politique a été mise en place ?
Grâce à ce lien avec le groupe, nous pouvons nous appuyer sur les manufactures et les laboratoires de R&D qui nous permettent de continuer à innover. Par ailleurs, la dimension internationale du groupe participe aussi au prestige de nos modèles à travers le monde.
La maison s’apprête à célébrer ses 250 ans. Comment allez-vous célébrer cet anniversaire ?
Ce quart de millénaire est, comme on l’imagine, un moment très symbolique pour la maison. Plutôt que le célébrer durant un seul jour, nous avons eu l’idée d’entamer un tour du monde durant une année et au fil de neuf destinations. Notre première étape est Paris, là où tout a commencé en 1775 et Breguet sera ensuite le premier horloger à s’installer place Vendôme en 1933. Nous partirons ensuite à travers l’Europe, en Asie, en Amérique et au Moyen-Orient pour revenir à Versailles, en hommage à Marie-Antoinette. A chacune de ces étapes, nous présenterons une ou plusieurs pièces qui s’appuient sur nos collections existantes. Le premier fil rouge tient à notre volonté de raconter une histoire neuve tout en célébrant les inventions de la maison. Le second est un nouvel alliage d’or exclusif que nous venons de présenter, l’or Breguet, qui s’inspire des ors utilisés au XVIIIème siècle par les horlogers et habillera la majorité des pièces de la collection anniversaire. Un premier modèle vient d’être dévoilé à Paris, la montre-bracelet de Souscription. Baptisée Classique Souscription 2025, elle reprend l’esthétique épurée voulue par le maître, ce qui lui donne des allures éminemment contemporaines. Là encore, la signature Breguet.