juin 2022, Études

Luxe : Le secteur accélère sa transformation pour renforcer son rôle de pionnier responsable

Les Maisons de luxe ont démontré leur capacité de résilience avec un retour à des niveaux de performance pré-COVID. Pour autant, le secteur fait plus que jamais face à des changements de paradigmes liés à des facteurs exogènes. A partir d’une analyse qualitative conduite auprès d’une quarantaine de dirigeants de Maisons de luxe et d’un sondage réalisé auprès de 2000 personnes (clients et non-clients du Luxe) en Europe et aux Etats-Unis, le nouveau rapport Luxury Outlook 2022 du Boston Consulting Group (BCG) pour le Comité Colbert sur l’industrie du luxe révèle cinq enjeux majeurs identifiés par les acteurs de ce secteur comme autant de défis à relever pour renforcer leur rôle de pionnier audacieux et responsable :

  • Productions & ressources : de l’excellence des savoir-faire coeurs à une responsabilité étendue à l’ensemble de la chaîne, perpétuer la qualité etaccélérer l’innovation au regard de la rareté des ressources ;
  • Cycle de vie : du produit symbolique à une responsabilité sur l’ensemble du cycle de vie, réconcilier durabilité, utilisation, rareté et nouveauté ;
  • Relation client : de l’expérience physique à la réconciliation digitale,transposer l’excellence aux nouvelles expériences ;
  • Responsabilité : d’un avantage compétitif à un impératif collectif, meneren coalition la transition environnementale, sociale & sociétale ;
  • Globalisation : d’une globalisation sans réserve à la réévaluation des dépendances géostratégiques, naviguer les nouveaux territoires etanticiper les risques.

Une industrie symbole de fierté nationale, associée à des concepts d’excellence
Le Luxe bénéficie d’une très bonne image : 85% des Français et 80% des Italiens considèrent ce secteur comme une fierté nationale. Selon les Français, il s’agit même de la première industrie faisant le plus rayonner le pays (devant le tourisme par exemple).
L’industrie du luxe est principalement associée à des notions de qualité (pour 64% des clients et 56% des non-clients), de savoir-faire (42% des clients et 41% des non-clients) et de créativité (38% des clients et 30% des non-clients).

Productions et ressources : accélérer l’innovation au regard de la rareté des ressources

Un client du luxe sur deux (48% contre 34% sur l’ensemble de la clientèle luxe et non luxe) perçoit le secteur comme innovant et deux tiers sont convaincus de la durabilité des produits. C’est bien. Pour autant, le déséquilibre entre le besoin en matières premières et leur disponibilité s’est accentué malgré une planification accrue de la demande et l’optimisation de la production. Un travail de concert entre acteurs de cette industrie doit maintenant s’accélérer pour améliorer la traçabilité et développer l’innovation.

Cycle de vie des produits de luxe : d’un symbole à une responsabilité sur l’ensemble du cycle de vie

Historiquement, les Maisons de luxe ont souvent considéré que leur responsabilité s’arrêtait après la production et la vente. Les enjeux environnementaux et sociétaux d’aujourd’hui encouragent le secteur à aller plus loin. 80% des sondés pensent que les Maisons de luxe ont l’obligation de s’engager sur la gestion du cycle de vie complet des produits, à travers des services de réparation, de l’upcycling ou sur le marché de la seconde main, ce dernier devant croître dans les prochaines années trois fois plus vite que le marché du neuf.

Relation Client : de l’expérience physique à la réconciliation digitale
66% des sondés estiment que le Luxe est en retard sur le digital et l’omnicanalité. Alors que les marques sont encore à la recherche de l’équation parfaite conciliant présence en ligne et expérience en magasin, sept personnes sur dix estiment que l’expérience digitale n’est pas à la hauteur de celle en boutique alors même que, c’est un exemple, jusqu’à 65% des ventes de produits de beauté s’effectuent en ligne. Un client sur deux déclare également être intéressé par le concept de magasin digital. Même s’il s’agit encore d’un univers d’initiés (seuls 37% des sondés connaissent le concept de Métavers), les personnes sondées et le secteur y perçoivent de multiples opportunités : réinvention de l’animation de communautés et de la fidélisation, possibilité de partage de valeur entre créateurs et communautés, renforcement du sentiment d’exclusivité, création d’écosystème digitaux homogènes ou réinvention de l’expériences digitales différenciées. “Le Web2 est trop intrinsèquement opposé à l’image de rareté et d’exclusivité que le Luxe incarne. Dans ce contexte le Web3 apparaît comme une véritable opportunité de réconcilier Luxe et expérience digitale. Les NFTs permettent par exemple de réinventer les concepts de possession et de rareté, tout en créant un fort sentiment d’appartenance à une communauté. Quant aux métaverses, ils sont de formidables espaces de personnalisation et de créativité dont les marques commencent à s’emparer”, détaille Joël Hazan, Directeur associé au BCG et co-auteur du rapport.

Responsabilité : d’un avantage compétitif à un impératif collectif sur l’ensemble de la chaîne
60% des consommateurs pensent que le Luxe a la responsabilité d’initier la transition environnementale, sociale et sociétale et six clients sur dix intègrent cette notion dans leur acte d’achat. Précisément, grâce à ses atouts créatifs et à sa capacité d’influence, le luxe est capable de rendre le durable attirant. Pour lancer le mouvement à grande échelle, le secteur n’échappera pas à un travail en coalition pour faire émerger des solutions à l’échelle de l’industrie et au-delà. Il ressort des entretiens avec les dirigeants que cette transition environnementale, sociale et sociétale est déjà amorcée par les Maisons de luxe, notamment car la nature même de leurs produits leur a toujours imposé une forme de frugalité. Toutefois, celle-ci doit s’opérer sur l’ensemble de la chaine. Un engagement d’autant plus important que le secteur jouit d’une capacité d’influence (39%), d’une aura internationale (35%) et de moyens financiers importants (31%).

« Si ces dernières années le secteur du luxe pouvait considérer le « green » comme un avantage compétitif, les Maisons leaders dans la transition environnementale doivent désormais embarquer le reste de l’industrie. L’objectif ? Inscrire le développement durable au coeur de toutes les pratiques : en se fondant sur leur ADN d’exemplarité, de processus robustes et respectueux de l’environnement, elles doivent passer d’un devoir de qualité à un devoir de transmission » précise Joël Hazan.

Globalisation : la nécessaire réévaluation des dépendances géo- stratégiques
La croissance dans le monde hors Europe et Etats-Unis représente 65% de la croissance totale du secteur du luxe de 2021 à 2025. Dans un contexte géopolitique très incertain et face aux tendances de régionalisations, les Maisons du Luxe doivent repenser tant l’approvisionnement de leur supply chain que leur résilience. ..

Méthodologie
Le rapport publié par le BCG s’appuie sur une série d’une quarantaine d’entretiens réalisés avec des dirigeants de Maisons membres du Comité Colbert et des experts du secteur (liste complète dans le rapport) et sur un sondage de 2000 personnes, clients et non-clients du secteur du luxe, aux Etats-Unis, France, Allemagne, Royaume-Unis, Italie, Espagne et Suisse. L’échantillon est représentatif de la population en termes d’âge, de genre, de revenus.

Entretien Bénédicte Épinay et Joël Hazan

Lien vers l’Étude